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Presque à Lisbonne

À 5h00, le réveil sonne. Dans l'obscurité totale, descend prudemment les escaliers grinçants en essayant de me remémorer l'emplacement des colonies d'insectes et des toiles d'araignée. Je range mes affaires et avant de fixer la grande sacoche, je constate que des fourmis sont par milliers sur mon vélo. La baguette de pain... j'aurais du la foutre ailleurs. Du bout des doigts, j'amène le vélo à l'extérieur et l'asperge avec le tuyau d'arrosage. Problème réglé. Je m'installe sur une vielle chaise et grignote le peu de nourriture qui n'ait pas été prise d'assaut par les insectes. J'équipe le vélo de mes éclairages, enfile ma veste thermique et commence à rouler dans la nuit noire. C'est agréable et apaisant. Je pars dans l'idée de faire d'une traite les 290 kilomètres qui me séparent de Lisbonne. Je l'ai déjà fait et me dis que pour un dernier jour, ce n'est pas la motivation qui me manquera. Le soleil se lève, ainsi que le fort vent de face. Ça fait deux semaines qu'il est présent tous les jours, il n'y avait donc aucune raison qu'il ne soit pas là aujourd'hui. Je dois alors fournir plus de watts pour tenir une vitesse moyenne correcte. Au bout de 80 km, mes réserves de barres énergétiques s'épuisent et je sens monter l'hypoglycémie. Une sorte de rosace lumineuse se met à clignoter au centre de ma vision et je sens des pertes d'équilibre, c'est une sensation que je connais bien. Je me dis " C'est l'euphorie qui m'a emporté et j'ai oublié de le concentrer sur la nourriture. Je n'ai qu'à profiter de l'arrêt au prochain supermarché pour grignoter, et ça passera après un petit quart d'heure de pause et quelques oréos dans l'estomac. ". Après ce petit break je suis effectivement d'attaque pour repartir. Le vent m'agace et me fait perdre patience. Je n'arrive même plus à atteindre les 22 km/h sans mettre toute ma force. Malgré tout je m'entête à vouloir tenir la cadence jusqu'au déjeuner. Au bout d'un moment je me retrouve à l'arrêt. Mes jambes ne répondent plus aux ordres. Je veux pousser mais rien ne se produit. Cette fois-ci c'est la fringale, l'absence pure et simple de carburant. Dans mon obsession je ne l'ai pas sentie venir. Je m'assois sur le bord de la route et réfléchis. Je me dis que ce doit être à cause de mon régime alimentaire de cette dernière semaine : le régime fruit/légume c'est bien beau, mais ça manque de protéines et féculents... Le problème doit venir de là. Les réserves sont épuisées et puis c'est tout. Je prend alors une heure de pause pour manger et assimiler la nourriture. Mais je dois abandonner mon arrivée à Lisbonne pour ce soir. Au déjeuner je m'autorise un restaurant pour prendre un vrai repas. Puis je fais une sieste dans le parc juste à côté. Au réveil, je sens que ça va mieux. Je remonte sur le vélo et là, c'est l'envol. Malgré le vent je retrouve une belle Vmoy. verdict : c'était bien une question d'alimentation.

Je termine ma journée à 180 km à cause du temps perdu. J'arrive dans un village et sonne à la porte d'une maison. Je fais mon speach en anglais à une jeune fille, qui me répond qu'il n'y a aucune place pour ma tente ou mon matelas (alors qu'en arrivant par derrière la maison j'avais vu un grand jardin et un garage vide. Puis elle poursuit " Ici, vous êtes dans un petit village avec beaucoup de personnes âgées qui n'aiment pas les étrangers, personne de voudra vous accueillir ". Très étonné par ce que j'entend, je réponds que selon mon expérience de 55 jours de voyage, c'est toujours dans les petits villages comme celui-ci que les gens sont les plus accueillants. Elle me répond " Peut être, mais pas dans CE village " comme pour se justifier. Je comprend totalement que pour une raison X ou Y, on refuse de m'accueillir pour un autre motif que le manque de place (par crainte, ou simplement l'envie d'être tranquille, bien sûr). Mais là, cette demoiselle m'a l'air d'être d'une grande mauvaise foi, au point qu'elle essaie de me faire croire que je serai le mal venu, où que j'aille. Je lui répond " C'est ce que nous verrons " puis poursuis mon chemin. J'arrive au centre ville. A une petite place, j'engage la conversation avec un groupe de copines (adultes) assises sur un banc. Je fini par expliquer que je cherche un endroit où dormir et manger. Elles se mettent à discuter entre elles (en portugais). Dans l'espace de quelques minutes, je les vois passer plusieurs coups de téléphone. Au bout d'un moment, elles se tournent vers moi " On a trouvé une solution pour vous ! ". Une camionnette débarque et l'homme qui conduit me demande de le suivre. Je dis au revoir à la bande d'amies, nous nous quittons dans de grands éclats de rire. L'homme me conduit jusqu'à une sorte de vestiaire vestiaire sportif, avec un lavabo et quelques meubles. Il me confie la clef puis m'invite à nouveau à le suivre. Ensemble, nous faisons le tour des bars. Il se charge de demander de la nourriture et d'expliquer mon projet à chaque fois. Tout le monde semble joyeux en me voyant débarquer. Où que nous allions, l'ambiance est excellente. La plupart des cuisines sont fermées et c'est pourquoi ce n'est qu'au quatrième bar que nous obtenons une réponse positive. Le patron m'invite à m’asseoir et m'apporte deux magnifiques sandwichs au steak tous chauds, ainsi qu'une grande bière. Il ne se passe pas beaucoup de temps avant que je sois invité à une table. Je sympathise avec les trois hommes, l'un parle un peu anglais, le deuxième un peu français, et le dernier un peu (beaucoup) portugais. On m'offre une deuxième bière et la soirée se poursuit dans les éclats de rire. On me dit que demain, je suis invité à venir prendre le petit déj dans ce même bar. Trop sympa tout ce monde ! Un petit selfie, et je rentre dans mon vestiaire. Là m'attendent deux dames de la mairie. Elles m’accueillent avec un immense sourire et commencent à me poser tout un tas de questions sur mon voyage. J'y reponds avec plaisir pendant qu'elles me conduisent jusqu'aux sanitaires ou je pourrai prendre une douche. L'endroit où je dors est bel et un bien un vestiaire, celui du terrain de foot du village. Avant de me dire au revoir, les deux dames me confient un grand trousseau de clefs pour accéder aux douches, toilettes ect... Quelle confiance ! Je me sens tout heureux de la magnifique soirée que je viens de vivre (la bière ça aide ! ) et à vrai dire j'hallucine un peu... J'ai été traité comme un roi !

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